L'idée d'écrire quelques mots sur le travail "atypique" de Maïla Garcia dormait depuis le début de l'année dans mes carnets. En effet, le hasard (et la nécessite! cachée, sans doute) avait conduit mes pas vers la galerie VIP 66 rue Grignan à Marseille fin d'année 2012. à la découverte d'une œuvre étrange, empreinte d'un chamanisme archaïque ou mieux "primitif" propre - peut-être? - à ses origines latino-américaine et son enfance passée sur l'ile de la Réunion. En tout cas la beauté des objets présentés était au rendez vous pour dissiper le regard, le détourner d'une certaine banalité.
En fait, les images de l'exposition organisée à l'initiative Jean Cristofol enseignant à l’École des Beaux-arts d'Aix en Provence, "Nouveaux Regards" en octobre 2010 à l'atelier Cézanne me revenaient elles aussi en mémoire en dehors de toute idée de répétition.
Puis tout récemment, l'association ELSTIR avait sélectionné ses travaux pour sa 29 ème édition Rendez vous des jeunes plasticiens dans le bel espace Raphaël à Saint-Raphaël (mais c'est bien sûr!)
L'espace Raphaël à St Raphaël |
Une autre lieu accueillait son travail de sculpture à la Galerie Saint Laurent au cœur des Puces des Arnavaux à Marseille parmi les antiquaires, meubles anciens et art contemporain faisant bon ménage en matière de "chine".
Pacific Don Jacques |
Si l'on se réfère à d'autres articles publiés plus bas, je laisse à penser que moi aussi je suis enclin à vouloir disparaitre, pour avancé masqué, où laisser place à mon double.
Car Maïla aurait fait merveille dans cette exposition sur "les figures du doubles" dont je parle ci dessous : une exposition peut en cacher une autre.
Un texte de Maïla qui remplace toute analyse de ma part :
Un texte de Maïla qui remplace toute analyse de ma part :
Le tout est dans la partie qui est
dans le tout.
« Quand je parle de complexité,
je me réfère au sens latin élémentaire du mot "complexus", "ce
qui est tissé ensemble". Les constituants sont différents, mais il faut
voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème, c’est
que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier.
Relier, c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais
établir une connexion qui se fasse en boucle. […] À l’origine de la vie, il s’est créé une
sorte de boucle, une sorte de machinerie naturelle qui revient sur elle-même et
qui produit des éléments toujours plus divers qui vont créer un être complexe
qui sera vivant. Le monde lui-même s’est auto produit de façon très mystérieuse. »[…]
« le tout est plus que la somme
des parties », « il existe des qualités émergentes, c'est-à-dire qui
naissent de l'organisation d'un tout, et qui peuvent rétroagir sur les
parties »,« le tout est également moins que la somme des parties car
les parties peuvent avoir des qualités qui sont inhibées par l'organisation de
l'ensemble ».
Edgar Morin, La stratégie de reliance
pour l’intelligence de la complexité, in Revue Internationale de Systémique
Le monde, comme le corps, peut être vu comme
un tout et/ou comme un assemblage de parties.
Chaque membre de ce corps constitue à lui
seul un corps autonome, qui obéit à ses propres règles rythmiques, qui utilise
son propre vocabulaire, qui organise ses architectures singulières.
Pourtant, un fil semble se tendre dans
l’apparent désordre.
On peut penser à la partition qui regroupe
les voix de musiciens très distincts et qui jouent dans une même composition.
C'est dans cette dynamique que j'évolue en
proposant un espace qui regroupe des éléments apparemment distincts dans leur
sujet, leur nature plastique, leur dynamique.
C'est une sorte de musique que je cherche, un
air familier dans la rencontre des méduses et de la porcelaine, dans l'érection
marine qui rend un hommage païen à la Vierge Noire des Gitans, dans l'attitude du
faucon qui scrute son reflet…
Encore, le masque, comme le dit Jean Laude,
spécialiste de l'Afrique, ne peut être séparé de ce tout qu'est le contexte social
et rituel dans lequel il s'inscrit.
Et le corps devient le "cheval" du
masque qui ne peut s'animer que grâce à lui.
Le système qui émerge ainsi, corps/masque,
devient une sculpture en mouvement, un assemblage d'énergies qui, le temps de
la rencontre, forme un hybride.
C'est précisément le caractère complexe, étroit
et ambigu de la relation qu'entretien le corps
avec le masque qui me pousse dans cette direction.
Cette relation me semble avoir des
familiarités avec l'expérience sculpturale du monde des formes. Le masque seul
est certes une sculpture, mais une sculpture inerte, et même
"trahie", selon les termes de Jean Laude.
Cousine Madeleine,Vierge Noire, Dame blanche |
Photo de Maïla Garcia portant un heaume fait de (faux) billets de banque:L'argent roi? |
Les corps et leur matière, la matière et les
corps.
Il y a ici une aventure infinie à éprouver,
de lignes, de masses, de textures, de couleurs et de vocabulaire.
Et le mythe peut alors devenir une sculpture
comme les autres, comme les symboles qui marchent derrière lui.
L'argent et sa puissance sont aussi des
matériaux à sculpter, ils ont un véritable potentiel de sculpture sous leur
triste apparence de fétiche contemporain.
Dans la dynamique d’« attraction/répulsion »,
il me semble voir le reflet de l’Humain.
Ainsi, lorsque le concept, le signe, le
symbole, le mythe s'associent au vocabulaire plastique, à la forme, au poids, à
la couleur, au rythme, à la courbe, à l'absence et la résistante présence, il se
déploie une existence infinie à interpréter.
Faucon |
Que dire de plus!
Il me reste à vous souhaiter de croiser son travail et d'en savoir plus, la connaissance d'autrui, dans son cas, est source de richesse.