lundi 13 avril 2015

Lettre à Patrice CADIOU




Patrice, je t’écris alors que tu as quitté ce monde le 25 janvier dernier, des suites d’une longue maladie (comme il est convenu de dire).
Je t’écris alors que nous ne nous sommes jamais croisés, si ce n’est à travers le regard porté sur ton travail depuis longtemps. Il exerce sur moi une espèce de fascination, voire d’envoutement. Il fallait que je m’en approche d’une manière «égoïste» et « tactile », pour apaiser ma curiosité au delà des quelques images aperçues ici ou là. Bientôt ton travail rejoindra les réserves des musées où tu figures déjà (notamment le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris)et les cimaises de collectionneurs nombreux de par le monde. J’ai donc fait le détour par Auberive, où ta compagne, Bertha Rivas, a bien voulu m’ouvrir les portes de ton atelier. Je l’en remercie.
"Les revenants" Peinture de Bertha Rivas

Étrangement, en 2010, j’avais visité l’Abbaye de Auberive, où grâce à la manne financière de Jean-Claude Volot, propriétaire et collectionneur, elle est devenue un centre d’art contemporain très actif qui mérite le détour sans hésitation. Je ne savais pas, que tu t’étais installé depuis 2009, (grâce à ce même mécène) dans le hameau de 80 âmes tout proche. A cette époque, je montais l’exposition, Mise en Boites, à ARTEUM, Musée d’art contemporain. J’étais parti sur les traces d’un ami à toi Jean Moiziard qui finalement n’a pas participé à cette exposition.
Œuvre de Jean Moiziard

Une autre exposition au titre évocateur, La beauté des restes, produite en ce même lieu fin 2009, aurait parfaitement intégré ton travail. 
 
Vue partielle de l'atelier

Accumulation de sangles de cuir dans l'atelier

 
A l'extérieur, sur la fenêtre.
Les photos de ton atelier que je publie ici montrent bien les matériaux accumulés : sangles de cuir, harnais, sellerie, bois d’épave, ossements, ferrailles rouillées. Matières foisonnantes, riches de leur décrépitude, porteuses des germes de tes futurs totems ou de  tes boucliers talismaniques improbables,  que tu collais, cloutais, vissais avec l’habileté savante d’un artisan, au fil de tes insomnies, heure à laquelle ton imaginaire fonctionné le mieux loin de la lumière du jour, trop aveuglante peut être. Je te vois tel un chaman des temps modernes, et bien que sans référence précise à un quelconque "primitivisme", tu savais trouver la forme juste pour atteindre au sacré, pour m’émouvoir et me fasciner par l’étrangeté de tes assemblages.
Œuvre en cours

Œuvre en cours


Je conserve la mémoire de ton œuvre. Je souhaite par cet article que d’autres aient la curiosité d’aller vers toi et ton travail. Pour conclure, je reprendrais ici les mots de Claude Roffat (éditeur de la revue L’œuf sauvage) publiés dans le catalogue paru en mai 2012 à la Galerie Les yeux fertiles : Cette œuvre tout intérieure, loin des modes et de l’esbroufe d’un certain art contemporain s’adresse à ce que nous avons en nous de plus précieux : le cœur.
A bientôt, sans doute, sur les cimaise de l’abbaye d’Auberive.
Revenant de vacances, mon article ci dessus: C'est la rentrée évoque ma visite à l'Abbaye de Auberives. J'ai pu voir qu'une salle était consacrée à ton travail avec le fond de la collection. Je rajoute avec plaisir quelques photos de tes œuvres prisent ce jour là.