lundi 26 mai 2014

Bestialement vôtre!

Je ne sais pas si ce titre n'est pas (un peu) trop fort? En tous cas la Chapelle Notre Dame de Consolation (1bis Avenue Philippe Solari à Aix en Provence) est occupée, à merveille, par une faune sauvage principalement venue d'Afrique....

Je m'explique: le Muséum d'Histoire Naturelle,  comme le dit si bien son conservateur , Gilles Cheylan, sort de sa réserve. Le musée déménage. Le projet d'exposition "beautés sauvages" avec les œuvres d'Aurélien Raynaud, devait y avoir lieu avant fermeture. Par chance, la direction des musées, à laquelle la chapelle vient d'être récemment rattachée, lui a proposé de rassembler en ce lieu une grande partie de son travail. Une gageure, ou mieux un défi qu 'Aurélien a assuré de manière magistrale , l'espace initial du musée n'étant en rien comparable à cette chapelle, au prix, vraisemblablement de nombreuses heures d'un travail original, imaginatif. Son intime intention est  de sensibiliser le public à la disparition de certaines espèces. Il rend hommage à la beauté des bêtes sauvages dont certaines sont affreusement chassées, tuées puis dépouillées de leurs cornes ou  de leur peau. Une forme de sacralisation de la nature, de sa beauté que le lieu renforce.  



 La Ville d'Aix-en-Provence, en dehors de ses musées, manquent cruellement de lieux d'exposition pour présenter des travaux d'art contemporain de manière convenable et/ou appropriée. Début 2013, dans le parcours de Ville L'art à l'Endroit de l'année capitale M P 2013, ce lieu avait été ré-ouvert pour accueillir l’œuvre de Marc Camille Chaimowicz.
Aujourd'hui, les collections "délocalisées",  en quelque sorte,  pour un temps relativement long (jusqu'au 21 septembre) sont accompagnées, je dirais plus, valorisées, par les œuvres du peintre et (surtout) sculpteur animalier, Aurélien Raynaud. dans un dialogue qui fonctionne à merveille:
Complicité et  scénographie exceptionnelle font que nous sommes accueillis dés l'entrée par un lion, une panthère, un gorille colossal, réalisés grâce à l'accumulation de strates de grillage modelées dans la forme. Une technique très personnelle et originale.

 
Si le matériau n'invite pas vraiment à  la caresse, ....( mais a-t-on forcément  déjà envisagé de caresser un lion  au delà de l'envie de dominer ses peurs? ), il donne cependant à la bête toutes ses courbes, ses muscles sous-jacents, son agressivité, et sa majesté, une espèce de nonchalance trompeuse aussi. Bref tout y est dans une figuration "distanciée" très contemporaine.
 Une lumière sourde, une fraicheur ambiante propre au lieu nous transporte dans un pays lointain . Nous parcourons la jungle indienne ou africaine. Deux canapés nous invitent au repos et la la méditation. Un chimpanzé (taillé dans un énorme bloc de bois rare), sur la gauche, nous guette de son bras, replié en visière sur ses yeux:
 
Nous sommes repérés et "sympathiquement" renvoyés à nous même, descendu de notre branche. La visite peut commencer. Des alvéoles (des niches?) dans des murs de caissons présentent des sculptures( bois, plâtres, bronzes) du jeune singe qu'Aurélien R. a gardé prés de lui pendant 13 années.Une telle "figuration", dans des poses atypiques et quasi fraternelles (osons le mot!) est le résultat de cette complicité quotidienne sur plusieurs années.


Des voiles de gaze sur lesquelles les dessins de tigres et lions réalisé par Aurélien ont été transférés, séparent subtilement l'espace réservé aux collections du Muséum.
Deux crânes,celui d'un éléphant, l'autre d'un rhinocéros,

sont de véritables sculptures. Elles évoquent pour moi les études dessinées qu'Henri Moore faisait avant d'aborder ses travaux aux formes abstraites mais néanmoins proche du réel..
La présence de ce bestiaires dans le cœur de la Chapelle est une forme de sacralisation qui ne devrait choquer personne..
J'y ai trouvé là, la fascination qu'éprouvent-sans doute- les enfants face à ces animaux , ours , renards, oiseaux, si je songe un instant aux quantités de peluches qu'on trouve sur les étals des vides-poussettes.Cette partie là contribue elle aussi à nous sortir du quotidien, et il faut absolument y amener enfants et petits enfants....

Cette mise en scène, et c'est tout à l'honneur des organisateurs, me rappelle le travail de Huang Yong Ping dont j'avais pu voir le travail dans la chapelle/musée de l'Hospice Comtesse, à Lille, dans le cadre de la manifestation "Fantastic'" Lille 3000.
Cet artiste, familier des formes animales (et de leur symbolique) avait sauvé de l'incendie une partie d'un atelier de taxidermie parisien . Il avait "relogé", lui aussi,  toute cette faune dans une immense arche de Noé qui occupait toute la nef..
Huang Yong Ping l'arche de Noé Musée de l'Hospice Comtesse à Lille


Une audace, comparable à celle que nous offre cette exposition aixoise, qui je l’espère se renouvellera, sans attendre des célébrations "anniversaires" d'année capitale. A moins de prendre date, comme le fait la ville de Lille, dans un cycle biennal d'exposition d'art contemporain. Rêvons un peu!!!!
Exposition "Beautés sauvages" (ce pourrait être aussi le titre de cet article). Jusqu'au  21 septembre de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h - fermé le mardi.

Me parvient à la date du 23/01/2015 une vidéo réalisée par drone image de cette fabuleuse exposition aixoise. Je rajoute donc ce lien pour les plus curieux et les nostalgiques -dont je suis -d'une telle "prouesse" dans le paysage culturel aixois.
https://www.youtube.com/watch?v=6C4S5uUZ2Xw&feature=youtu.be


A renouveler avec intelligence, avec d'autres artistes dans cette même et évidente "beauté sauvage" déclinée au pluriel d'une faune africaine ou via  d'autres horizons artistiques, peu banals si possible!.