lundi 24 septembre 2012

Question de conservation!


Le domaine Château La Coste (en Provence) n'a certainement pas besoin que je parle de lui en terme d'excellence de sa production vinicole.la publicité qui fait dans de nombreuses revues lui assure la renommée que nous lui connaissons. Je préfère rester sur le plan de la conservation très importante pour le vin mais aussi en terme d’œuvre d'art et surtout de sculptures contemporaines.
Avec l'association "Perspectives", guidés vers ce lieu magique par Florence Laude, nous avions découvert il y a un an, le chai dessiné par Jean NOUVEL dans un "geste" architectural sans précédent en la matière et surtout dans cette Provence habituée aux tuiles rondes , au crépi et à des bâtiments orthogonaux comme en attestent les  structures anciennes et la bastide XVIIème/ XVIII ème (partie privée qui ne se visite pas et qui se devine à peine, intimité oblige). .

vue partielle de l'art center à gauche, de l'araignée de Louise Bourgeois au centre et du chai par Jean Nouvel à droite
En dehors de cette visite passionnante, et si nous n'étions pas  restés sur notre soif ce jour là, j'étais pour ma part resté sur ma faim métaphysique: l'Art center de Tadao ANDO  était en cours de finition et la visite du parc de sculptures n'était pas prévue. Seul l’amphithéâtre (Pavillon de musique) de Frank O GEHRY avait eu droit à une" indiscrétion" rapide de ma part, un simple coup d'oeil.
Frank O. Gehry pavillon de musique
Peu importe aujourd'hui ma quête d'images est satisfaite tout autant que ma curiosité laissée en attente.Sur un parcours de plus de deux heures, car pourquoi pressé le pas devant tant de beautés, forets de chênes et de pins et vignes accouplées, parsemées d’œuvres monumentales in situ à se pâmer il vous faudra flaner.. Des Origami benches (banquettes de repos) dessinées par Tadao Ando permettent des haltes nécessaire pour les marcheurs récalcitrants  et des moments de méditation bénéfiques pour tous.
Tadao Ando origami benches

Nous sommes dans l'espace du land art si tant est qu'il faille encore qualifier ces sculptures, ces architectures qui se fondent dans le paysage, se laissent envahir par la végétation et la lumière tout en laissant leur trace, leur marque pérenne.
Guggi Calix meus inebrians

Je me plais à penser que le propriétaire de ce domaine, riche certes, applique les même règles quant au choix des cépages d'une part et à l'implantation des œuvres d'autre part et à leur vieillissement, à leur conservation. .
Louise Bourgeois crouching spider

Richard Serra Aix
C'est beau. Le droit d'entrée peut paraitre cher! mais ça vaut bien deux séances de cinéma (à tarif réduit au Mazarin!. Allez y avec du soleil sur la tête et dans le cœur. Il n'y rien à comprendre ni a expliquer. Ne cherchez pas autre chose que ce que vous voyez même si surtout (ou apparemment) ça ne ressemble à rien!
 Sean Scully wall of light cubed   

mardi 18 septembre 2012

ENTRETIEN (improbable) avec Georges RINAUDO



Par ce beau dimanche de fin d'été, un été devenu indien ou mieux "ciotadin", j'ai décidé de me rendre à La Cioat donc, chez Georges RINAUDO, et cela à la suite des entretiens que nous préparons Florence Laude et moi en vue  de l'exposition "Traits...intimes" à ARTEUM musée d'art contemporain en fin d'année du 21 novembre au 22 décembre 2012.
Je savais déjà, par téléphone, que Georges, ami de longue date (et complice de multiples expositions en tandem), ne dirait pas d'avantage que les quelques réponses sibyllines qu'il nous avait transmises par la poste (n’espérez rien de lui par Internet!).
 Question:Pourquoi le dessin ? C'est moins salissant que la peinture 
ou bien: Qu'exige le dessin? Un crayon.

Le seul fait que j'ajoute aujourd'hui: un crayon... bien taillé, comme en atteste la photo ci-jointe (où s'accumulent dans un grand plat, les rognures de bois de Critérium HB1 à 9), tombe tellement sous le sens,qu'il ne l'aurait pas dit ou cru bon de le préciser.
Récolte de rognures de bois de Critérium
Question :Le dessin rêvé ?: C'est un dessin réussi.
L'évidence est telle, à nouveau, cumulée à une réelle  modestie  qu'il laisse à celui qui regarde ses dessins, le soin de voir, d'y voir non pas ce qu'il a voulu dire ou montrer - ce serait présomptueux de sa part - mais ce que un tel , une telle en attend, lui le "voyeur", intérieurement. Une sorte d'offrande dans l'échange et dans ce silence qui lui est cher. Je ne sais pourquoi me vient à l'esprit ce livre de Daniel Arasse: On y voit rien. A voir donc!
En vue d'une transcription agrandie "au carré"
Dés lors où  l'intimité se niche-t-elle dans son travail? Est-elle visible au delà de l'image, bien souvent transcription (au carré) de photographies personnelles ou puisées dans la  presse quotidienne dont il est un lecteur assidu.  Ou encore et en vérité, est-ce pour la qualité et l'originalité de son trait, de la trace que laissent ses crayons, mine de plomb ou de couleurs sur la feuille de papier, somme toute anonyme? Sont-ce ces hachures microscopiques, mille fois répétées, enchevêtrées serrées, ramassées qui créent  probablement une image particulière comme une marque de fabrique? Est-ce son aspect velouté voire la volupté (pour reprendre le terme de Théophile Gautier) qui s'en dégage et amène ainsi à une certaine intimité, avec l'artiste et ses sujets? Sont-ce des œuvres devenues icones contemporaines associant signifiant et signifié dans une relation "naturelle" (dixit le Petit Robert1)? 

Il y a le choix dans les nuances de gris... surtout!
Une série...plus proche de la B.D. mais toujours la phrase qui accompagne, histoire d'y voir mieux.
Georges, homme de lettre, auteur en 1990 d'un lexique élémentaire à l'usage des nouveaux distraits dont je recommande la lecture (recueil d'aphorismes que je me plais à comparer avec ceux de Louis Pons) égraine au bas de ses dessins un début de réponse, comme un garde fou pour ne pas s'égarer dans une interprétation trop éloignée de l'intention primitive .
Ainsi de la série , mot qui a tout son sens dans l'importante "production" (le mot n'est pas impropre aujourd'hui pour désigner  le travail d'un artiste.. il serait même "tendance"! ) "Tentative d'approche pour un portrait de maison de campagne du côté de la Cadière d'Azur", il insiste volontiers sur le mot portrait  en dix "facettes" ou approches intimes de sa maison tant vue de l'intérieur que de l'extérieur, avec les objets qui captent son attention du moment.
Fin de journée. La porte fenêtre de la salle de séjour et la chaise longue
 Il se compare volontiers à un peintre cubiste qui sur un même tableau aborderait le visage sous différents angles. Cette série,qui sera exposée à ARTEUM, est aujourd'hui suivie d'une autre en cours intitulée, pour l'instant, autoportrait, alors même qu'il s'agit de gens de son entourage ou non autres que lui. Peut-être glissera-t-il son propre visage, mais rien n'est moins sûr. Je pointe donc ici et à nouveau l'aspect singulier de sa démarche avec toute la subtilité des titres mentionnés au bas de ses dessins.Une multitude de dessins en cours et ceux d'hier, disposés un peu partout, m'incite à écrire, car il ne me le dira pas lui-même! que Georges est un "stakhanoviste" du trait et par extension du dessin.
Des dessins partout en attente.. écrasés de lumière

En dehors d'une "petite sieste"qu'il s'accorde comme tout bon méridional né à La Ciotat, je le sais littéralement scotché à sa table de dessin du matin au soir . Gide dit : le "stakhanovisme a été merveilleusement inventé pour secouer le nonchaloir. et Théophile Gautier parle des voluptés du nonchaloir et du bien être du chez soi. Rinaudo oscille entre ces polarités. Il voyage peu... ou beaucoup dans ses dessins à la rencontre de l'autre. Rinaudo apporte aussi à la publication des ses catalogues un soin tout particulier, attentif  quant au choix des papiers de couverture et de l'impression. Ses dessins accompagnent les récits  d'amies telles   Chris Ballaré (Le canal du Midi- une pédalée de Toulouse à Agde 2012; Au marché à Fontbarlettes 2008) ou Françoise Séloron (Recto-Verso, Collages, montages, télescopages etc...2005). On retrouve notre homme/dessin attentif aux mots et aux images, à leur rapport intime.
Après ces paroles qui paraitront flatteuses à certains et loin d'un véritable dialogue, pour ne pas terminer sur une note  par trop moniale, en cette Journée du Patrimoine, j'ai fait une halte à Pont de l'Etoile/Roquevaire où la célèbre maison de celle qui peint de Danièle Jacqui brille en permanence de ses ors et miroirs, C'est une autre histoire bien entendu!

La maison de celle qui peint de Danièle Jacqui à Roquevaire  ... bien singulière

mercredi 5 septembre 2012

Hier, aujourd'hui... et peut-être demain!

Le temps ne fait rien à l'affaire... comme dit le poème.
J'avais envie de parler des outrages du temps ou à l'inverse des réhabilitations que les hommes opèrent pour rendre aux monuments leur couleur, leur forme ancienne, sans parler des la chirurgie esthétique qui est un autre domaine, n'est-ce pas? Car la nature, elle aussi, au fil du temps (et ici au fil de l'eau en l’occurrence) modifie les architectures originelles construites par l'homme par des dépôts (calcaires notamment,comme nous allons le voir!), des salissures, des griffures, sans parler de destructions massives lors de séisme ou autre tsunami .
A l'approche des Journées du Patrimoine qui portent cette année sur le thème de l'eau, ces images (et cette fois ci, cette "enquête" et non une simple quête)sont à regarder de plus près.
Dans mon village l'eau est très présente. La rivière le Réal, la traverse d'un bout à l'autre avec une magnifique cascade sous le Grand pont à l'entrée.La source de Traconnade alimente en permanence, quatre à cinq fontaines dont la création de plus anciennes remonte à la fin du XVII ème siècle.
Le Monument aux morts en 1926 (entre les deux premiers platanes) lors d'un carnaval??? j'ai pas mieux comme témoin!
C'est peut être pour cette "abondance" et la haute valeur symbolique de l'eau, que l'architecte Gustave Salgé imagine autour du Monuments aux Morts de la première guerre mondiale, un bassin alimenté par un réseau de petits jets d'eau en façade et deux coupelles, façon bénitiers, sur les faces latérales. Le "Poilu" de circonstance,  est sculpté par Antoine Sartorio ( 1885-1988) dont la renommée dépassera nos frontières régionales (il a beaucoup travaillé avec l'architecte Gaston Castel à Marseille) pour des monuments à Vincennes , Tournon/Rhône, Santos au Brésil ou encore Nice ou Menton. Il est intéressant de visiter à Jouques (où il s'installe en 1967 après un début de carrière parisienne) son atelier et de noter qu'il est mort dans sa cent quatrième année. (A croire que l'air ou l'eau de ce village conserve, me direz vous? à moins que ce ne soit le métier de sculpteur!)

Mais revenons à notre bassin, qui est construit en 1921. L'eau coule, coule, "cool", au point qu'en 1973, on ne reconnait déjà plus le monument dans sa forme originelle.
Vue du Monument en 1973. La "couche" de calcaire est déjà bien présente
Quand j'arrive en 1981 , la couche de calcaire est encore plus impressionnante, au point que nul ne pouvait imaginé , et moi en premier, que la chose avait été construite ainsi... façon Fontaine moussue Cours Mirabeau à Aix, où nous somme bien d'accord, la même chose semble s'être produite. Il ne faut donc pas se fier aux apparences!
le monument coté latéral droit en décembre 2011 cette partie là n'est pas encore attaquée au marteau piqueur

A l'hiver dernier la commune a commandé au tailleur de pierres, Egalon Jean-Paul à Tourves (83),la restauration de ce monument. Bravo.
Février 2012 partie gauche déjà bien entamée par le marteau piqueur

Les photos prisent par Guy Lambert de l'association les Amis de Jouques sont éloquentes quand à l'épaisseur de calcaire. En 90 ans... je n'en reviens toujours pas! Le résultat est là, avec un éloquent "A nos enfants" .
 Septembre 2012 Vue de face après d écroutage. Le bassin et le bénitiers latéral droit avant remise (éventuelle) en eau
Pour l'instant, le bassin et son système d'alimentation en eau n'ont pas été remis en service. Si c'était le cas, une nouvelle génération (la troisième au moins!) viendra et verra le monument  avec des rotondités moussues apportant couleur, vie et fraicheur aux pieds du Poilu, sans se douter de ce message de reconnaissance. 
Si nous envisageons ces quelques photos sous l'angle d'une "démarche artistique" en prenant le temps qui passe comme paramètre de base, je dirai que grâce à une archéologie active et non préventive, volontaire et efficace et, dans ce cas, verticale et non horizontale, le passé revient au présent pour y retourner... peut-être!