mardi 18 septembre 2012

ENTRETIEN (improbable) avec Georges RINAUDO



Par ce beau dimanche de fin d'été, un été devenu indien ou mieux "ciotadin", j'ai décidé de me rendre à La Cioat donc, chez Georges RINAUDO, et cela à la suite des entretiens que nous préparons Florence Laude et moi en vue  de l'exposition "Traits...intimes" à ARTEUM musée d'art contemporain en fin d'année du 21 novembre au 22 décembre 2012.
Je savais déjà, par téléphone, que Georges, ami de longue date (et complice de multiples expositions en tandem), ne dirait pas d'avantage que les quelques réponses sibyllines qu'il nous avait transmises par la poste (n’espérez rien de lui par Internet!).
 Question:Pourquoi le dessin ? C'est moins salissant que la peinture 
ou bien: Qu'exige le dessin? Un crayon.

Le seul fait que j'ajoute aujourd'hui: un crayon... bien taillé, comme en atteste la photo ci-jointe (où s'accumulent dans un grand plat, les rognures de bois de Critérium HB1 à 9), tombe tellement sous le sens,qu'il ne l'aurait pas dit ou cru bon de le préciser.
Récolte de rognures de bois de Critérium
Question :Le dessin rêvé ?: C'est un dessin réussi.
L'évidence est telle, à nouveau, cumulée à une réelle  modestie  qu'il laisse à celui qui regarde ses dessins, le soin de voir, d'y voir non pas ce qu'il a voulu dire ou montrer - ce serait présomptueux de sa part - mais ce que un tel , une telle en attend, lui le "voyeur", intérieurement. Une sorte d'offrande dans l'échange et dans ce silence qui lui est cher. Je ne sais pourquoi me vient à l'esprit ce livre de Daniel Arasse: On y voit rien. A voir donc!
En vue d'une transcription agrandie "au carré"
Dés lors où  l'intimité se niche-t-elle dans son travail? Est-elle visible au delà de l'image, bien souvent transcription (au carré) de photographies personnelles ou puisées dans la  presse quotidienne dont il est un lecteur assidu.  Ou encore et en vérité, est-ce pour la qualité et l'originalité de son trait, de la trace que laissent ses crayons, mine de plomb ou de couleurs sur la feuille de papier, somme toute anonyme? Sont-ce ces hachures microscopiques, mille fois répétées, enchevêtrées serrées, ramassées qui créent  probablement une image particulière comme une marque de fabrique? Est-ce son aspect velouté voire la volupté (pour reprendre le terme de Théophile Gautier) qui s'en dégage et amène ainsi à une certaine intimité, avec l'artiste et ses sujets? Sont-ce des œuvres devenues icones contemporaines associant signifiant et signifié dans une relation "naturelle" (dixit le Petit Robert1)? 

Il y a le choix dans les nuances de gris... surtout!
Une série...plus proche de la B.D. mais toujours la phrase qui accompagne, histoire d'y voir mieux.
Georges, homme de lettre, auteur en 1990 d'un lexique élémentaire à l'usage des nouveaux distraits dont je recommande la lecture (recueil d'aphorismes que je me plais à comparer avec ceux de Louis Pons) égraine au bas de ses dessins un début de réponse, comme un garde fou pour ne pas s'égarer dans une interprétation trop éloignée de l'intention primitive .
Ainsi de la série , mot qui a tout son sens dans l'importante "production" (le mot n'est pas impropre aujourd'hui pour désigner  le travail d'un artiste.. il serait même "tendance"! ) "Tentative d'approche pour un portrait de maison de campagne du côté de la Cadière d'Azur", il insiste volontiers sur le mot portrait  en dix "facettes" ou approches intimes de sa maison tant vue de l'intérieur que de l'extérieur, avec les objets qui captent son attention du moment.
Fin de journée. La porte fenêtre de la salle de séjour et la chaise longue
 Il se compare volontiers à un peintre cubiste qui sur un même tableau aborderait le visage sous différents angles. Cette série,qui sera exposée à ARTEUM, est aujourd'hui suivie d'une autre en cours intitulée, pour l'instant, autoportrait, alors même qu'il s'agit de gens de son entourage ou non autres que lui. Peut-être glissera-t-il son propre visage, mais rien n'est moins sûr. Je pointe donc ici et à nouveau l'aspect singulier de sa démarche avec toute la subtilité des titres mentionnés au bas de ses dessins.Une multitude de dessins en cours et ceux d'hier, disposés un peu partout, m'incite à écrire, car il ne me le dira pas lui-même! que Georges est un "stakhanoviste" du trait et par extension du dessin.
Des dessins partout en attente.. écrasés de lumière

En dehors d'une "petite sieste"qu'il s'accorde comme tout bon méridional né à La Ciotat, je le sais littéralement scotché à sa table de dessin du matin au soir . Gide dit : le "stakhanovisme a été merveilleusement inventé pour secouer le nonchaloir. et Théophile Gautier parle des voluptés du nonchaloir et du bien être du chez soi. Rinaudo oscille entre ces polarités. Il voyage peu... ou beaucoup dans ses dessins à la rencontre de l'autre. Rinaudo apporte aussi à la publication des ses catalogues un soin tout particulier, attentif  quant au choix des papiers de couverture et de l'impression. Ses dessins accompagnent les récits  d'amies telles   Chris Ballaré (Le canal du Midi- une pédalée de Toulouse à Agde 2012; Au marché à Fontbarlettes 2008) ou Françoise Séloron (Recto-Verso, Collages, montages, télescopages etc...2005). On retrouve notre homme/dessin attentif aux mots et aux images, à leur rapport intime.
Après ces paroles qui paraitront flatteuses à certains et loin d'un véritable dialogue, pour ne pas terminer sur une note  par trop moniale, en cette Journée du Patrimoine, j'ai fait une halte à Pont de l'Etoile/Roquevaire où la célèbre maison de celle qui peint de Danièle Jacqui brille en permanence de ses ors et miroirs, C'est une autre histoire bien entendu!

La maison de celle qui peint de Danièle Jacqui à Roquevaire  ... bien singulière

3 commentaires:

  1. Bel article, Pierre, sur ce dessinateur hors pair qui semble peu loquace mais plein d'humour ! Je comprends que les aphorismes le tentent, lui qui s'est fait une spécialité des réponses brèves dans "notre" questionnaire ! J'aurai plaisir à découvrir, ses dessins, très prochainement sur les cimaises d'Arteum.

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  2. Je me souviens de l'escalier de la rue Portalis et de l'atelier de Georges Rinaudo, je me souviens aussi de quelque-unes de ses expositions à la galerie Manuel, ainsi que d'une très intéressante exposition collective au Couvent de Saint Maximin. Bien entendu je garde mémoire tenace du grand cercle où il recueille la taille de ses crayons. J'apprécie, ce sont les lots de nos vies où maintes choses se télescopent, de voir brusquement apparaître dans le champ de vision la maison de Danièle Jacqui.

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  3. Je suis d'accord: la fin est un peu "art-brupte" . mais tu sais combien j'apprécie ces "télescopages" entre les mots. Involontairement, je l'ai fait avec mes "images" qui deviennent alors le reflet temporaire de mon inconscient!
    La "nostalgie", ou la mémoire que tu évoques si bien fait de toi le témoin incontournable de ces vingt dernières années de la vie artistique aixoise.Pour notre plus grand plaisir.

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